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Le ventre de «une»
L'Algérie d'Abdelaziz Bouteflika réhabilite saint Augustin, l'enfant du pays
LE MONDE | 30.03.01 | 13h38 | chronique
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A L'HEURE où les talibans effacent toute trace du passé préislamique de l'Afghanistan, l'Algérie entend renouer avec ses racines... chrétiennes. A l'initiative du président Abdelaziz Bouteflika, se tiendra, du samedi 31 mars au samedi 7 avril, un colloque international sur l'un des plus célèbres enfants du pays, saint Augustin, le père des Confessions et de La Cité de Dieu, monuments de la pensée chrétienne et occidentale. Aurelius Augustinus est né en 354 à Souk Ahras (ex-Tagaste), à 650 kilomètres à l'est d'Alger - dans l'ancienne Numidie, qu'il appelait sa "mère patrie" -, et il est devenu évêque d'Hippone, devenu Bône, puis Annaba, où il est mort en 430.

Fils d'un citoyen romain et païen, Patricius, et d'une mère chrétienne, Monique, Augustin - converti au christianisme en 386 - a longtemps été perçu par l'Algérie musulmane et socialiste comme un collaborateur de l'impérialisme romain, comme un Berbère traître à la patrie, un faux Algérien, suppôt de la bourgeoisie chrétienne et du colonisateur français. L'écrivain Kateb Yacine, de méchante humeur, l'identifiera un jour au général Massu. 
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A l'inverse, pendant la guerre d'Algérie, François Mauriac, visant les "durs" de l'Algérie française et les croisés de l'Occident chrétien, louera "saint Augustin, ce bougnoule".

Aujourd'hui, le génial auteur des Confessionsredevient, dans les discours officiels, "l'Algérien" ou même "le grand marabout (un saint) d'Hippone". S'agit-il d'un geste destiné à la minuscule communauté chrétienne du pays, encore sous le choc de l'assassinat, entre 1994 et 1996, de vingt prêtres et religieux, dont les sept moines de Tibéhirine et Mgr Claverie, évêque d'Oran ? L'Eglise d'Algérie et l'université augustinienne de Rome ont été associées à ce colloque sans précédent dans le pays natal d'Augustin. Au risque d'exaspérer un peu plus les milieux islamistes, l'Algérie d'aujourd'hui veut se réapproprier son héritage. Après avoir fait table rase, dans son enseignement, de l'histoire préislamique du Maghreb, elle entend réhabiliter, un millénaire et demi après sa mort, le grand philosophe chrétien. En août 1999, lors du meeting annuel à Rimini de l'association catholique italienne Communione e Liberazione, le président Bouteflika avait stupéfié la presse et les intellectuels algériens par un discours dithyrambique : "Augustin traitait une question de droit comme un avocat de Rome, une question d'exégèse comme un docteur d'Alexandrie. Il argumentait comme un philosophe d'Athènes. Il racontait une anecdote comme un bourgeois de Carthage..."

Africanité et universalité d'Augustin : tel est précisément le thème du colloque qu'ouvrira le chef de l'Etat à Alger et qui se poursuivra dans le village de naissance du philosophe, puis dans la basilique et les ruines d'Hippone, que plus personne n'allait visiter. Une exposition itinérante sera consacrée au philosophe chrétien dans la capitale et dans neuf villes du pays. Deux timbres vont être émis par la poste algérienne. Un lieu symbolique, qui reste à déterminer, portera son nom. Et le Père Lucien Borg, recteur du sanctuaire d'Hippone, de rêver à une traduction en arabe de l'œuvre complète de saint Augustin et d'en faire "un pont entre les Algériens et les Arabes chrétiens du Proche-Orient". Un pont "entre nous, chrétiens, et ce grand peuple qui n'a plus peur de l'enfant de Tagaste".

Henri Tincq
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 31.03.01